mardi 28 février 2012

Venezuela : Caracas du 3 au 11 février 2012

Le voyage commence bien: l'hotesse, lorsqu'elle passe mon billet dans la machine juste avant d'embarquer, m'explique que je ne peux pas accéder à l'avion parce qu'il y a un problème... 5mn après débarque la supérieure, un peu énervée, m'expliquant que l'on a trouvé une bouteille de gaz dans mon sac de soute et que c'est absolument interdit!
Je la suis donc dans les sous-sols de l'aéroport de Marseille à la recherche de la bouteille tueuse, plutôt content de voir l'envers du décor, mais avec la petite appréhension que l'avion décolle sans moi!
Au final, pas de problème, l'avion ayant du retard, mais des regards inquisiteurs et des leçons de morale: j'aurais pu faire exploser l'avion, que c'est hyper dangeureux... Or, cela fait 10 ans que je voyage avec des bouteilles de gaz en soute, mais un renforcement des lois vigipirates obligeant à passer aux rayons tous les bagages obligera à changer les habitudes!

Débarqué à l’aéroport de Maiquetia-Caracas, à la recherche de mon pote, je me fais alpaguer par une cinquantaine de personnes désireuses de changer des euros. Première confrontation avec la réalité du socialisme vénézuélien : pour éviter la fuite de fonds vers l’étranger, Chavez autorise les vénézuéliens à retirer depuis l’étranger 2500 dollars par an (ou 1000/mois lorsque l’on étudie), pas plus, mais à un taux très intéressant. Cela oblige les personnes souhaitant plus d’argent à les acheter au marché noir à un taux 2 à 3 fois plus élevé. Les devises étrangères sont donc achetées beaucoup plus chers sur place, ce qui est tout à notre avantage, nous autres étrangers. Pour un taux officiel de 4,7 bolivars pour 1 euro, on nous l’achète 10 bolivars dans la rue. Ceci nous permet de voyager pour 2 fois moins chers, heureusement, sinon voyager au Venezuela serait affreusement couteux ! Bon, il est vrai qu’alimenter ces marchés parallèles n’est pas la meilleures des choses, mais quand ça permet d’économiser 50% de son budget, pas d’hésitation!
Je me retrouve vite dans le bain, mon pote n’a pas pu venir parce qu’il est bloqué au lit, je dois prendre le bus pour me rendre en ville. Trajet que j’avais adoré 10 ans plus tôt puisque nous étions arrivés de nuit, l’autoroute passant au milieu des collines envahies par les ‘barrios’ (favelas du Venezuela), leur donnant un aspect scintillant vraiment superbe ! Cette fois il fait encore jour, mais rien ne semble avoir changé en rentrant en ville: barrios, gratte-ciels, immeubles sordides, mendiants dans les rues...
Mes 2 potes : Ibrahim, dans la famille duquel nous avions vécu pendant quelques mois, quand nous étudions à Caracas, et son meilleur ami Léo, que l’on avait bien connu aussi, finissent par arriver… Rassuré, je n’aurais pas aimé avoir à déambuler dans le centre-ville de Caracas avec toutes mes affaires à la recherche d’un hôtel ! Surtout que les hôtels se trouvent dans un quartier peu sûr déconseillé la nuit. 
Vraiment heureux de les revoir et de se retrouver chez des gens que l’on connait dans une ville aussi hostile !
Et puis ça va surtout me permettre d’avoir une opinion assez objective sur la situation politique du pays puisque tous les 2 viennent d’un milieu relativement aisé, sont ingénieurs, mais pro-Chavez, ce qui est relativement rare ! En effet, la plupart des gens que nous avions fréquentés dans le cadre de nos études, issus de milieux favorisés, étaient résolument anti-chavistes. D’ailleurs, tous ceux que j’ai pu contacter avant d’arriver vivent et travaillent désormais à l’étranger, au Canada, en Espagne, à Bruxelles… Au moins je n’aurai pas à courir pour aller voir tout le monde !
Un premier we plutôt tranquille à profiter des 2 loustics et leurs copines, se replonger dans la culture vénézuélienne. Petit-déjeuner typique dans une ‘cachepera’, espèce de crêpes épaisses à la farine de maïs, déjeuner au ‘pabellon criollo’ plat vénézuélien de viande éméchée avec de la banane plantain, du riz et des haricots rouges, ‘arepas’=galettes de farine de maïs remplies d’accompagnements divers tels que fromage, jambon, poulet, avocat… ou qui accompagnent chaque repas, équivalent de notre pain en France.
Cachapa remplie de queso (fromage)

Pabellon criollo
Les 2 compères, 35 ans, vivent en collocation dans un quartier en périphérie de la ville, un ensemble d’immenses tours pas très esthétiques, ça fait penser à nos banlieux françaises, mais il semble que pour Caracas ça soit assez standing.
La circulation à Caracas est devenue insupportable: des bouchons de plusieurs kilomètres, des voitures en panne sur le bord de la route, ce qui fait que pour parcourir les 15 kilomètres qui les séparent de la ville, il faut plus d'une heure, même le we. Ils roulent donc en moto et scooter, qui se faufilent désormais par milliers et à toute vitesse entre les files de voiture
Anniversaire de Léo, à droite, Ibrahim et Jovana

Une semaine pour redécouvrir cette ville qui m’avait tant plu malgré le peu de sites d’intérêt touristique qu’elle recèle. 
-le boulevard piéton qui traverse le centre-ville, de Chacaïto-Sabana Grande-Plaza Vénézuéla, au pied des gratte-ciels, zone très animée. Par contre les ‘buoneros’, vendeurs de rue illégaux qui autrefois étaient légion, ont été délogés parce qu’ils devenaient trop encombrants.

Plaza Venezuela, boulevard important de la ville et gratte-ciels

Vue sur le centre ville depuis la "escalera del calvario"

Depuis la "escalera del calvario", avec des "barrios" au 1er plan et en arrière plan

Puis Parque Central, centre névralgique de la ville moderne avec ses musées, son parc, ses commerces, les 2 plus grandes tours de Caracas et la ‘Arepera Venezuela’, mise en place par le régime de Chavez : camions vendant des arepas 5 fois moins chères que dans un restaurant.

Parque Central avec le teatro Teresa Carreno sur la gauche, les tours les plus hautes de Caracas sur la droite et le 'barrio' au fond
Peinture pro-chaviste à Parque Central: "Pa'lante comandante'='en avant commandant!'.

Enfin, le centre-ville historique : des bâtiments coloniaux, une place Bolivar envahie par la végétation tropicale, des palmiers, un peu de calme et de verdure au milieu de la jungle urbaine, tout ça au milieu des gratte-ciels du centre-ville.
Cathédrale de Caracas, Plaza Bolivar

Plaza Bolivar et cireurs de chaussures

Par contre c’est un coin notoirement craignos et j’aurai la bonne idée de suivre un type qui me propose un taux de change à 14 Bs/1euro, 3 fois le taux officiel, alors que je savais qu’il ne fallait pas et que j’avais refusé une dizaine de fois juste avant.
Ca s’avèrera être une belle arnaque, le type subtilisant mes euros pour des faux, voulant me les changer pour beaucoup moins. Le taux annoncé est simplement pour attirer la clientère. Je me rends vite compte de la galère dans laquelle je me suis foutu, dans un petit local vide d’un bâtiment à moitié désaffecté avec 2-3 bonhommes qui m'entourent, je savais qu’il ne fallait pas changer dans la rue ! Heureusement, j’arrive à éviter qu’ils ferment la porte derrière nous, menace d’aller voir les flics (alors qu’ils sont sûrement pires que ces mecs voire de mêche avec eux) et finis par ressortir avec des bolivars à un taux de change à 10, ce qui est normal. Mais quel con j’ai été, je ne suis même pas sûr que ce soient des vrais, en plus j’ai failli repartir avec des faux euros, heureusement que les miens sont reconnaissables puisque je les plie pour les mettre dans ma ceinture. Super énervé, pour ma première journée tout seul, je n’aurais pas gazé ! Bon, il s’avéreront être vrais, mais j’ai quand même pas été bien malin de faire ça, ça aurait pu mal tourner !

-Une journée à l’Universidad Central de Venezuela, faculté où nous avions étudié, construite par un architecte vénézuélien dans les années 50, Carlos Raul Villanueva. Une grande influence de Le Corbusier avec ces bâtiments en béton brut. Le campus est envahi par une végétation luxuriante (tout comme beaucoup d’endroit de Caracas), des palmiers, des pelouses, et surtout nombres d’artistes européens et vénézuéliens ont collaboré au projet : un immense vitrail de Fernand Léger, des peintures murales de 10mètres de long sur 2 de haut, de Vasarely, Léger, des sculptures de Jean Arp, des mobiles de Calder… tout ça lui a valu d’être classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Vitrail de Fernand Léger

Sculpture de Jean Arp, 1953, et peinture murale d'un artiste vénézuélien: Mateo Manaure, 1954 

Peinture murale d'un artiste vénézuélien

Sculpture de Henry Laurens, 1953, bi-murale de Fernand Léger

Place principale de l'université avec, sur la gauche, l'horloge emblématique de l'université.
-Des musées intéressants à Parque Central, celui de Bellas Artes consacré à la révolution, un musée d’art moderne…
-et la chose qui m’a le plus marqué durant mon séjour à Caracas : le gouvernement a fait installer un téléphérique pour desservir un ‘barrio’ construit sur une colline dans le but d’aider les gens à sortir de ces bidonvilles.

Les cabines passent au dessus de cette ville dans la ville, aux maisons colorées, à moitié terminées, permettant de se faire une idée de la vie qui s’y déroule au son de la salsa et du raggaeton, les gamins dans les rues avec leurs cerfs-volants. C’est un endroit qu’il est impensable d’approcher normalement, encore plus en tant qu’européen, et qui a toujours suscité une grande curiosité chez moi. Ca permet d’y accéder d’une manière plus ou moins sûre (on ne sait jamais qui monte avec vous dans la cabine et ce qu’il peut s’y dérouler).

Vue sur le barrio depuis le bas de la colline

La première station du téléphérique, dominant le barrio

Des maisons en briques, souvent à moitié terminées...
Affiche à l'entrée du téléphérique: "le socialisme améliore ta qualité de vie"
Et puis une vue extraordinaire sur le centre-ville et ses gratte-ciels, dominé par la montagne d’El Avila. J’en aurai fait 2 tours tellement c’est impressionnant !

Barrios, ville et montagne


Un séjour extrêmement intéressant dans cette ville si particulière. C’est vraiment un endroit que j’aime beaucoup, sans trop savoir pourquoi : l’ambiance qui y règne, les souvenirs associés à ma première expérience en solo à l’étranger,  l’adrénaline provoquée par l’appréhension de se faire braquer, cette architecture anarchique de gratte-ciels envahis par la végétation, cette omniprésence du socialisme et de Chavez ?
Mais une semaine suffit, il est temps d’aller se poser à la plage.

1 commentaire:

  1. "mais quand ça permet d’économiser 50% de son budget, pas d’hésitation!"
    Et bien c'est du beau!!!
    C'est quoi l’intérêt pour les Vénez d'acheter des devises étrangères?

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